Un Rap d’anthologie issu de l’Album « L’Ecole du Micro d’Argent (1997)» du groupe IAM.
Cet album est sans conteste l’un des meilleurs albums de rap Français de tous les temps. Si tu aimes le Rap et que tu ne connais pas encore…tu DOIS absolument découvrir.
Si tu n’aimes pas le Rap…tu DOIS absolument découvrir aussi!
Dans ce titre, « Un cri court dans la nuit », Akhenaton et Shurik’n nous décrivent avec une précision angoissante le destin tragique de deux personnages…
On ne sait pas s’il s’agit de réalité ou de fiction mais l’atmosphère est très pesante.
Le refrain est servi par Daddy Nuttea avec une voie grave et quasi-métallique qui amplifie la froideur et la portée des couplets…
Les couplets d’ailleurs sont assez longs mais extrêmement bien ciselés. On ne s’ennuie pas une demi-seconde avec un flot d’images vives et percutantes…
C’est parti pour le premier couplet.
Lis-le simplement comme une histoire, sans te préoccuper de la chanson.
Imagine que tu lis un roman..
Il est assis au fond du métro, où personne regarde
Silence pesant, trois mecs montent, visages menaçants
« Allez, tombe la veste, on est accro d’elle«
Mais lui supplie, commence à pleurer, son père lui a offert à Noël
Elle change de main, il a beau dire que ses parents n’ont pas un sou
Au fond, tout le monde s’en fout
Les trois types, les gens autour, gratuitement, la lame est soudaine
L’Opinel pénètre, 10 centimètres dans l’abdomen
Ça fait déjà un an, il aurait 16 ans
Son père ne s’en est jamais vraiment remis
Lorsqu’il entre dans sa chambre, rien n’a changé, les jouets
Les livres, cependant les murs sont tristes, pourquoi vivre
Si tuer c’est facile ? On veut tourner le couteau
Quand tout s’écroule d’un coup au fond d’un métro; il gît là
Les flics enquêtent, bouffent des sandwiches, même sourient
Racontent leur vie, ils parlent même pas de lui
Il a du mal à s’imaginer, jadis son enfant innocent
En une seconde, pour 400 francs, mourant dans une flaque de sang
Une flaque de pleurs, une vague de peur, la bague du bonheur
Fruit de l’amour, fauché par le tranchant d’une dague de malheur
C’était pas l’heure de partir, il ne lui avait pas tout dit
Tant pis, ce sera au Paradis
Et des remords la racine, s’élève un arbre
Et de l’arbre pousse des fleurs délicates qui viennent caresser le marbre
Plusieurs choses ici : Je commence par un commentaire sur la grammaire et conjugaison et le vocabulaire.
#1. GRAMMAIRE – CONJUGAISON – VOCABULAIRE
Tu reconnais le pronom relatif (avec son antécédent : le métro).
Rappel l’accent permet de différencier
- le pronom relatif (où)
- de la conjonction de coordination ou marquant l’alternative, le choix. L’aile ou la cuisse ?
#2. Les mecs
Un Mec= un type (a guy)
#3. Visages menaçants
Threatening faces
#4. Tombe la veste
C’est l’Impératif du verbe tomber à la 2ieme pers. du singulier.
Tombe la veste est la version familière de « Enlève la veste »
#5. Être accro de/à qchose
Aimer beaucoup, ne pas pouvoir se passer de qqchose.
A ne pas confonder avec un accroc (oui avec le « c » qui signifie une déchirure, généralement dans un tissu, un vêtement ou encore un incident.
Tu diras: « un voyage sans accroc ».
Tu comprendras dans quelque lignes le choix très judicieux du mot accro et comment l’auteur sous-entend un double sens ici.
#6. Tout le monde s’en fout
Nobody gives a damn
#7. L’Opinel
L’Opinel est un couteau très répandu en France.
C’est d’ailleurs une marque déposée.
Il existe un Musée Opinel (en Savoie) dédié à cette marque qui existe depuis la fin du XIXe siècle.
Et voici à quoi ressemble un Opinel (ici l’arme du crime)
#8. Il aurait 16 ans
Conditionnel présent du verbe avoir.
(Si rien ne s’était passé, il aurait 16 ans aujoud’hui)
#9. Il gît là
Le verbe un peu étrange.
Le verbe Gésir signifie être étendu sans mouvement.
Nous sommes ici à la troisième pers du singulier au présent de l’indicatif .
Ah oui , je te donne la conjugaison complète ici
..Et pour le là:
– Là (avec l’accent) est l’adverbe de lieu.
– Et la (sans l’accent) est l’article. (la voiture)
#10. 400 Francs
Et oui, nous sommes en 1997 et l’Euro ne circule pas encore en France.
400 Francs, c’est à peu près 61 €.
#11. Une dague
Une arme blanche…(oui a dagger). La dague de malheur : c’est l’Opinel…
Voilà ! Je pense que sur cette base, tu as pu mieux comprendre les évènements.
Re-écoutons les lignes suivantes
Il a du mal à s’imaginer, jadis son enfant innocent
En une seconde, pour 400 francs, mourant dans une flaque de sang
Une flaque de pleurs, une vague de peur, la bague du bonheur
Fruit de l’amour, fauché par le tranchant d’une dague de malheur
Regarge la richessse des rimes en -ant.
Innocent, francs, mourant, sang puis en -eur : pleurs, peur, bonheur, malheur. Très très punchy !
Après, tu as pu toi-même constater la construction du couplet qui te happe directement dans l’action avec des ellipses, des retours en arrière et une conclusion tragique qui ressemble à un cycle : « Les remords (La racine), L’arbre, les fleurs délicates (la vie, la mort ?) qui viennent caresser le marbre » (la tombe, la mort)…
Ultra efficace.
#2. LE REFRAIN
Ok, et sans transition le refrain…qui transpire l’inéluctable…
Encore une tombe à fleurir
Un ange part dans un dernier soupir
Un fait divers dans une ruelle
Un cri court, personne n’entend l’appel
Encore une tombe à fleurir
Un ange part dans un dernier soupir
Un fait divers dans une ruelle
Un cri court, personne n’entend l’appel
D’abord, une remarque très intéressante :
La présence d’un vers (un alexandrin) de Rui Blas pièce de Théâtre de Victor Hugo (1838) :
« La nuit on assassine et Chacun crie à l’aide ».
Cette ligne marque l’état absolu de délabrement, de corruption et d’insécurité qui règne dans le Madrid de Ruy-Blas. On a ici une transposition moderne et crue de ce vers. Remarquable !
Ensuite, écoute bien le contraste entre la berceuse en boucle de fond et les paroles graves et atroces de ce refrain.
Le désespoir est palpable…
Ok, On enchaine donc sur ce titre…avec la version officielle…(Encore une fois IAM est l’un des meilleurs groupes de Rap…)
Et je n’ai pas pu résister à te laisser ici les vers de Rui Blas…
#3. 2ième COUPLET
Le second couplet est construit exactement comme un storyboard…
Rue sombre, éclairée au néon, deux heures déjà
Qu’elle fait les cents pas et dans le sac toujours pas un rond
Trottoirs glauques, bars sales, bagarres d’ivrognes
Les talons frappent le goudron, au feu rouge un mec klaxonne Elle en a marre de ces tarés qui passent, repassent, la condamnent
Blessent son âme et dix mètres plus loin se marrent
ça marche pas bien aujourd’hui, les mecs n’ont pas envie
A cause de la pluie où la vie, le sexe perd face au souci
Un manteau, un parapluie, l’enfer en costume gris
Se rapproche, son regard fuit, elle dit son prix, c’est parti
S’ouvre la porte, couloir vers le purgatoire, pour elle l’histoire
Tourne tel un train fantôme des foires de sa rue au glissement des bars noirs
Miroir, dis-lui qui est la plus belle
Ne laisse pas croire seule le soir, que les fées se foutent d’elle
Belle au bois dormant pour un matelas sans ressort
Ancrée à son sort comme un bateau usé, jamais ne sort du port
Blanche-Neige a croqué le fruit amer sans amertume
Pour eux, elle n’est qu’une pute, pour son fils elle reste une mère
Une peau d’âne, princesse le jour esclave la nuit
Mais les escarpins sont maudits, ils ramènent Cendrillon vers son taudis
Les murs témoins de l’étreinte plus brève que tendre
Capturent son regard rêveur, seul remède contre la démence
Sorti par la fenêtre un cri sans bruit hante les rues sans vie
Sorti par la fenêtre un cri court dans la nuit
Ici le texte est assez simple.
Je m’attarderai plus sur la description d’un Conte de féé tragique avec plusieurs références à Blanche Neige (Miroir, dis-lui qui est le plus Belle ?, ) Belle au Bois Dormant, Peau D’Ane, Cendrillon où l’innocente victime n’est jamais maîtresse de son destin.
Dans notre cas, point de Prince Charmant… »les escarpins sont maudits« .
D’ailleurs, c’est tout le champ lexical (ensemble des noms, adjectifs, verbes) qui nous ramène à l’Enfer:
« Sombre, glauque, l’Enfer en costume Gris, le Purgatoire, Esclave la Nuit, la Démence… »
Ce Deuxième couplet est mon préféré et je pense qu’il te vaudra au moins une deuxième écoute
#4. Qui l’eût Cru ?!
Voilà, je t’ai livré ici une infime partie de ce texte puissant.
Tu vois ?! Tu peux apprendre le Français grâce au RAP. Qui l’eût cru ?
Si tu as la moindre question tu sais où me joindre: olivier@frenchusomuch.com.
Ps: Je pense que tu ne regarderqas plis le Rap (le vrai! eon est d’accord..) de la même façcon.
Est-ce que cet éclairage d’aide à mieux comprendre ? J’attends ton retour.
A bientôt!
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